Paris, le 21 juin 2004

Pour ceux qui partent en Bretagne après la mi-août, soyez attentifs !

Il y a une légende qui court à propos des chattes de gouttière vieillissantes, sinon finissantes. La première pleine lune après la Fête de l'Assomption, celles-ci se réunissent sous la houlette autoritaire, sinon fouettante, d'une ancienne au pelage rare, une albinos. La périodicité est particulièrement étonnante. Tous les 44 ans. Étrange ! Non ?

La chatte aux yeux rouges, juchée sur le grand menhir de V. (j'ai juré de ne rien révéler) miaule à la lune. Toutes les autres se frottent et se refrottent contre le granit. Les nuits suivantes jusqu'à la nouvelle lune, ces miaulements et frottements en réunion se propagent à travers toute la péninsule. Eh bien, vous me croirez si vous voulez mais pendant les quelques jours encadrant la grande marée d'équinoxe suivante, elles se retrouvent toutes en chaleur en même temps et les mâles passent un sale quart d'heure. Les chatons résultants ont tous au moins une touffe de poils indigo et sont extrêmement cotés comme animaux de compagnie et peut-être même de culte.

La dernière fois c'était en 1960. J'ai gardé le calendrier des Postes, Télégraphe & Téléphone qui en parle. Je me souviens même que c'était avec la page des éphémérides d'avril (puisque je suis du mois de mars et que c'était juste après). L'annonce était rappelée assez tôt dans l'année pour laisser aux bretons de tradition le temps de trouver une vieille chatte abandonnée et pour l'acclimater un peu avant le grand soir, de façon à ce qu'elle revienne à son nouveau gîte après la nuit initiatique.

Un véritable trafic vers la Bretagne avait sillonné toute la France et même la Belgique et la Suisse et le Québec. Un container entier est arrivé d'Éthiopie, l'ancienne Abyssinie, après une concentration dans le territoire des Afars et des Issas qui durait depuis deux ans avec embarquement à Djibouti. Fallait-il que ces chattes-là soient francophones ou aient des rudiments ? Ça, le calendrier des Postes n'en parlait pas. « Mais tout n'est pas dans le calendrier, je ne vous apprends rien ! » c'était ce que nous répétait toujours et encore notre si chère et si belle tante Hélène.

De trois chose l'une, c'est vrai, c'est faux ou ça pourrait l'être. En tous les cas, il faut y croire et saisir sa chance, la probabilité étant loin d'être nulle. Il est encore temps de se dépêcher. Vite, allez chez votre boucher préféré pour qu'il vous serve du mou comme appât.